La COP30 est-elle un échec ? Sommes-nous foutus ?

La COP30 vient de se terminer ce samedi 22 novembre à Belém, au Brésil, en l’absence du deuxième plus grand pays émetteur de gaz à effet de serre, les Etats-Unis. Les négociations ont débouché sur un accord minimaliste après des discussions qui se sont prolongées au-delà de la date de clôture initialement prévue du 21 novembre.

Cette COP est largement perçue comme un échec par de nombreuses organisations et commentateurs en raison de son manque d’ambition et d’engagements concrets, notamment concernant l’élimination progressive des énergies fossiles et le financement climatique. L’accord final est jugé décevant et incapable de fouenir une trajectoire claire et précise pour atteindre les objectifs climatiques. Et surtout, l’accent a été mis sur les compensations à fournir par les pays émetteurs de CO² aux pays qui subissent ou subiront les effets du dérèglement climatique et qui en général sont ceux dont l’industrie n’est pas ou peu développée, les pays pauvres, mais qui participent aussi au dérèglement climatique par exemple par la déforestation. Ces compensations prennent souvent la forme de l’achat de « crédits carbone » et peuvent être orientés par des relations politiques et économiques, plutôt que par la seule vulnérabilité climatique des pays récipiendaires, selon certaines analyses.

Bref, l’on constate dans les faits que, de plus en plus clairement, on s’oriente vers une politique « palliative » vis-à-vis des conséquences de l’augmentation globale des températures terrestres – dont le plafond de + 1,5° fixé lors de la COP de Paris est désormais dépassé – et la mise en place de stratégies d’adaptation pour (sur)vivre à des températures qui pourront dans peu de temps atteindre par moment plus de 45 voire 50 degrés celsius, plutôt que vers une politique « préventive » qui s’attaque résolument et directement aux causes du réchauffement.

Les raisons à cet échec (attendu) sont multiples, et le lobbying intense des pays producteurs d’énergies fossiles ou grand consommateurs de celles-ci n’y est pas pour rien ; le désengagement des Etats-Unis de Trump non plus.

Rien d’étonnant à ce que ces grands pow-wows multilatéraux ne donnent pas de résultat concret : Pour Jean-Marc Jancovici (The Shift Project), la grande coopération internationale ne fonctionne que lorsqu’elle sert les intérêts égoïstes de chaque pays. « C’est la réalité sociologique de l’humanité« , estime-t-il.  « Pour rappel, la COP est organisée par les Nations Unies. Il s’agit de la réunion des pays qui ont ratifié la convention climat. Aux Nations-Unies, tout se décide à l’unanimité. C’est assez facile de comprendre que lorsque une assemblée de 200 personnes doit prendre des décisions à l’unanimité, elle ne peut prendre des décisions courageuses que si les pays constituant cette assemblée ont déjà décidé de les prendre pour des raisons internes« , analyse Jancovici. Depuis plus de 20 ans, avec le Shift Project qu’il a fondé, l’ingénieur qu’il est s’interroge sur la façon de reconstruire une économie sur des bases sans carbone et comment faire face au défi climatique. 

À la question « Sommes-nous tous foutus ?« , le spécialiste divise sa réponse en deux parties.

« Si la question est ‘Est-ce qu’il n’y a absolument plus rien à faire face à la situation?’, la réponse est bien évidemment non. Si la question est ‘Est-ce que désormais, nous pouvons reprendre en main notre destin de sorte que nous évitons toute conséquence désagréable en ce qui concerne le réchauffement climatique ?’, la réponse est non également« , estime-t-il. En d’autres termes, il n’est pas trop tard pour agir, mais il est trop tard pour éviter toutes les conséquences désagréables de ce que nous avons mis en route. Il y aura des dégâts irréversibles, et ils commencent déjà à être là.

Dès lors, les COP sont-elles inutiles ? Jean-Pascal van Ypersele déclarait (à propos de la COP27) : « C’est à la fois trop lent et à la fois indispensable. » Les COP ont au moins le mérite de faire parler du climat. Par contre, précise Jean-Marc Jancovici, il ne faut pas attendre des COP un miracle qui serait externe au pays. Les actions courageuses qui se passeront en Belgique ne se passeront pas grâce aux COP, mais parce que le gouvernement belge ou des acteurs belges, des militants, églises, mouvements associatifs… auront entraîné la population dans la bonne direction.

Un réchauffement inévitable à court terme

Les modèles informatiques l’affirment : si on veut que le réchauffement climatique reste sous les 2°C d’ici 2100, il faudra une diminution de nos émissions de 5% par an. « Il y a deux années sur le siècle qui vient de s’écouler où nous avons réussi à atteindre cet objectif. En 2020, la première année de la pandémie de Covid-19 et en 1945, l’année où on a éradiqué l’appareil industriel de l’Allemagne et du Japon. Cela donne une idée de l’effort à fournir« , pointe l’ingénieur français. 

« L’inertie du système est telle que ce qui va se passer dans les vingt prochaines années est raisonnablement indépendant des efforts que nous allons fournir. Entre un scénario où l’on continuerait d’exploiter les réserves fossiles tant qu’on peut et un scénario où on commencerait à baisser dès demain matin les émissions de 5% par an, la différence en termes de température serait infime pour les vingt ans qui viennent. C’est après que la différence sera extrêmement marquée. Cela veut dire que nous allons de toute façon dépasser les 1,5°C« . 

Contraints à la sobriété

Pour Jean-Marc Jancovici, la seule solution face à cette crise est la sobriété. Étant donné que nous vivons dans un « monde fini », la physique va de toute façon nous y forcer. 

« La totalité des pays occidentaux sont dans la mondialisation. Même si nous ne consommons pas uniquement des énergies fossiles domestiquement, nous bénéficions d’un système mondialisé dopé à ces énergies. Ces combustibles fossiles – à supposer que nous n’ayons pas envie de nous en passer pour des raisons climatiques – sont épuisables. Il va donc de toute façon falloir faire avec moins. La sobriété, c’est simplement le fait de l’accepter, de l’anticiper et de le planifier. L’autre alternative s’appellera la pauvreté. Soit faire avec moins sur le plan matériel, mais d’une manière subie parce qu’on n’aura plus le choix ».   

Cette sobriété, c’est précisément en Europe qu’elle va s’imposer le plus rapidement. « Contrairement à d’autres pays, nous sommes en décrue charbonnière depuis les années 50, en décrue pétrolière depuis 2006 et en décrue gazière depuis à peu près la même époque. Nous allons donc de toute façon devoir faire avec de moins en moins et ce que feront les autres ne nous intéressent pas tellement. Le meilleur pari des Européens est de se lancer dans la décarbonation et d’inventer le mode qui va avec puisque nous allons en avoir besoin« .

Dès lors l’Europe est-elle crédible lorsqu’elle donne des leçons aux autres pays dans des évènements tels que la COP ? « Il faut essayer de les persuader, mais quand vous fumez vingt cigarettes par jour, vous n’êtes pas très crédibles pour dire à quelqu’un qui en fume trois qu’il faudrait arrêter de fumer« , réagit le spécialiste. « Le meilleur moyen d’être crédible, c’est de faire les choses chez nous. »

Peut-être vous demandez-vous comme moi : « Mais qu’est-ce que nous, chrétiens, nous pouvons faire ? Comment nous mobiliser ? »

Si vous désirez poursuivre cette réflexion, je vous invite à lire ou écouter l’interview donné sur RCF par Dominique Serra-Coatanea, Maître de conférences en Théologie morale et éthique aux facultés Loyola : « Après la COP30, comment les chrétiens peuvent-ils se mobiliser ? » – la transciption en pdf à télécharger ICI.

Enfin, pour ceux qui douteraient encore de l’impact du numérique et en particulier de l’intelligence artificielle sur le climat, ils peuvent découvrir les chiffres établis par le dernier rapport du Shift Project de Jean-Marc Janvovici avec leur commentaire sur cette page : « Jean-Marc Jancovici parle de l’IA« .

Personnellement, je m’inscris dans ce mouvement citoyen et chrétien qui est un combat pour le monde, la terre et les générations à venir. Nous ne pouvons absolument pas ne pas nous engager, il en va de notre responsabilité envers la création et toutes les créatures. Être des femmes et des hommes d’espérance, pour agir ensemble solidairement avec tous les peuples de la terre afin de préserver ce trésor unique et indispensable à la vie qu’est la création. Merci d’en être vous aussi !

Le Ploumtion