« Pour des raisons diplomatiques » : quelle pitié pour Gaza?

Jusqu’où ira le cynisme de certains dirigeants et de leurs « amis » ? La diplomatie consiste-t-elle seulement à lécher les pieds (ou autre chose – selon l’expression du maître de la Maison Blanche) de ceux dont on a besoin ou qu’on craint ? Doit-on encaisser toutes les insanités et preuves de mauvaise volonté et fermer les yeux devant des crimes contre l’humanité sans frapper du poing sur la table, car la raison d’Etat n’a pas …d’état d’âme ?

Avec Poutine, puis Trump, on savait déjà à quoi s’en tenir. Ne parlons pas non plus de ces petro-monarques du golfe persique peu soucieux des droits de l’homme et autres potentats africains dont le pays regorge de minerais ou de matières précieuses, et devant lesquels nos responsables européens déploient sans hésiter le tapis rouge … Voici aujourd’hui un sommet de cynisme qui montre indiscutablement le mépris total qu’un certain Benjamin Netanyahou et sa clique d’ultras israéliens ressentent à l’égard des civils palestiniens (ça on le savait), mais aussi pour l’opinion d’une grande partie de ses concitoyens que le  Premier ministre israélien ignore délibérément. Dans ses calculs politiques et militaires, la vie d’innocents ne pèse rien, quand ils ne sont pas de la race choisie. Israël first ! Les 55.000 morts palestiniens, femmes et enfants compris, ne lui suffisent pas. Il annonce ce lundi dans une vidéo publiée sur son compte Telegram qu’Israël va prendre le contrôle « de tout le territoire » de la bande de Gaza. On assiste en effet à un regain très intense de l’offensive militaire avec des centaines de morts chaque jour dans l’enclave palestinienne, soumise depuis des mois à un blocus alimentaire et humanitaire meurtrier, au point que les Nations Unies après les cris d’alarme de nombreuses ONG se sont enfin émues et ont rédigé il y a quelques jours un communiqué pour demander gentiment qu’on rétablisse l’aide humanitaire et que les bombardements s’arrêtent. Le Premier israélien n’en a rien à faire : « Nous progressons. Nous prendrons le contrôle de tout le territoire de la bande », a indiqué ce dernier « Nous ne cédons pas. Mais pour réussir, il faut agir de manière à ce qu’on ne nous arrête pas », a-t-il ajouté, en annonçant cependant une reprise limitée de l’aide humanitaire dans une partie de l’enclave. 

Et c’est là que le cynisme atteint son comble : Benyamin Netanyahou, a expliqué dans sa vidéo qu’Israël devait empêcher une famine à Gaza « pour des raisons diplomatiques » « Nous ne devons pas laisser la population sombrer dans la famine, ni pour des raisons pratiques ni pour des raisons diplomatiques », a-t-il déclaré, précisant que des « amis » d’Israël lui avaient dit qu’ils ne pourraient plus soutenir la poursuite de la guerre si des « images de famine de masse » dans le territoire palestinien étaient diffusées. Autrement dit, ce ne serait pas bon pour l’image d’Israël – mais surtout cela pourrait affecter les livraisons d’armes de guerre et de bombes fournies sans aucune gêne par ces « amis » – dont la Belgique (voir infra (1)). Malheureusement pour les extrémistes israéliens, il est plus difficile à notre époque médiatisée d’empêcher la diffusion de photos de corps décharnés qu’à l’époque des camps de la mort nazis… Quant à ces « amis » d’Israël, leur souci pour la population de Gaza ne semble pas vraiment être de nature compassionnelle ou humanitaire, mais l’importance qu’ils accordent à l’opinion publique serait plutôt proportionnelle à leurs intérêts purement électoraux…

Il y a quelques jours, j’appelais dans un article (« L’espérance des mères et le sort de Gaza » les décideurs et tous ceux qui de près ou de loin peuvent avoir une influence, si minime soit-elle, à réagir au nom des mères (celles des petits gazaouis et les leurs) pour éviter le sort épouvantable qui est promis aux habitants de l’enclave palestinienne –  j’avais même évoqué la mère de Dieu, la Vierge Marie… Il semble déjà que le pape fraîchement élu Léon XIV serait lui aussi sensible à ce drame humain (et à tous les autres qui secouent la planète) et pourrait peut-être, en appelant les choses par leur nom, dire de quel côté est la Vérité, la Justice, et la véritable volonté de Paix – en dénonçant les mensonges cyniques des va-t-en-guerre assoiffés de pouvoir. À ce sujet, il est intéressant d’écouter ou de relire l’analyse de ce début de règne du nouveau pape par le philosophe Luc Ferry : cliquez ICI.

Dans notre monde qui se polarise de plus en plus et où les loups ne prennent même plus la peine de se déguiser en agneaux, ne serait-il pas temps pour nous aussi, disciples du Christ, de choisir notre camp : celui de l’amour inconditionnel et non partisan, de la compassion et de la réconciliation – celui de la Justice ! Ne nous taisons pas devant l’horreur !

Le Ploumtion

  • (1) »Le Soir » avait révélé il y a un an qu’au moins 70 tonnes de munitions et d’explosifs ont transité par l’aéroport de Liège depuis le 7 octobre 2023 grâce à une faille dans la législation régionale sur le transit d’armes. Le ministre-président wallon Elio Di Rupo avait alors pris un arrêté ministériel interdisant dans les aéroports wallons tout transit d’armes avec ou sans transbordement vers Israël. Le Conseil d’Etat vient d’annuler cet arrêté suite à un recours de la compagnie aérienne israélienne Challenge installée à l’aéroport de Liège-Bierset. 
  • « Le Soir » rapporte aussi que Donald Trump avait déjà imposé des sanctions contre la CPI en février dernier après les mandats d’arrêt visant notamment Netanyahou. Ces sanctions paralysent l’action de la Cour pénale internationale, qui ne peut plus fonctionner : Le procureur en chef de la Cour pénale internationale a perdu l’accès à ses e-mails et ses comptes bancaires ont été gelés ; les membres américains du tribunal basé à La Haye ont été informés que s’ils se rendaient aux Etats-Unis, ils risquaient d’être arrêtés. Certaines organisations non gouvernementales et de nombreuses entreprises menacées de sanctions par l’administration américaine ont cessé de travailler avec la CPI. Où est la démocratie ? Quand l’exécutif s’en prend au judiciaire, ça s’appelle tout simplement la dictature !