
Entre deux flashs d’infos sur la formation des nouveaux gouvernements et la persistance de la pluie chez nous, l’attention de nos concitoyens étant maintenant accaparée par les vacances, un titre est passé ces jours-ci dans les journeaux sans soulever des vagues d’indignation : « Guerre dans la bande de Gaza : les experts de l’ONU affirment que les enfants meurent d’une campagne de famine menée par Israël » (France-info, 9/07/24, cf infra). Cela accompagné de nouveaux bombadements meurtriers dans des quartiers qui ne sont pas peuplés exclusivement de combattants du Hamas…
On s’habitue à tout, même à l’horreur – quand ce n’est pas chez nous évidemment. Combien de morts faudra-t-il encore, de vies détruites de femmes, d’enfants et d’innocents, pour que cesse ce carnage et qu’on commence à chercher les chemins d’une vraie paix – qui ne peut exister sans la justice ? Certains devront rendre des comptes devant les cours pénales internationales mais aussi devant la Justice de Dieu. La responsabilité des nations qui ont laissé s’accomplir ces massacres est aussi immense – en particulier celle des Etats alliés d’Israël, comme les USA.
En attendant, je m’interroge sur les répercussions qu’aura cette guerre atroce (ce génocide comme on le nomme déjà) dans les esprits et sur la perception de la réalité d’Israël et du peuple juif dans le monde : celle-ci est déjà, nous le voyons, en train de changer fortement, et pas seulement dans les milieux musulmans ou arabes, en réveillant les vieux démons de l’antisémitisme et de l’antijudaïsme. De peuple martyr tel qu’il était mondialement reconnu depuis la shoah, Israël est en train de passer pour un bourreau malgré l’horrible attentat-pogrom du 7 octobre, à cause de sa riposte disproportionnée et sans grande discrimination entre les combattants et les civils. Les extrémistes religieux qui soutiennent le premier ministre Netanyahou réclament même l’éradication du peuple palestinien… sans parler des colons juifs, qui n’en finissent pas de s’approprier les territoires cisjordaniens. Tout cela avec la meilleure conscience du monde, puisque c’est à eux que Dieu a donné la terre promise…
Il y a quelques temps, je suis tombé un peu par hasard sur cette interview qui m’a interpellé – venant d’un athée qui ne s’en cache pas mais qui pose de vraies questions aux croyants. Le sujet est éminemment brûlant : » Gaza – les racines bibliques de la violence » (cliquer pour lire). Le droit des israéliens à se défendre n’explique pas tout ce qui se passe en ce moment à Gaza mais aussi en Cisjordanie occupée et ailleurs. A cette époque marquée par les génocides (on commémore aussi l’anniversaire de celui du Rwanda en 94), de la guerre en Ukraine, au Congo… il est bon de réfléchir aux racines de la violence qui semblent être inscrites dans notre génome humain.
Je partage globalement l’analyse de ce Monsieur Delcuvellerie, que je nuancerais peut-être au sujet des visages d’un dieu violent et sanguinaire dans l’Ancien Testament par une interprétation herméneutique de ces passages – voir l’excellent article d’Audrey Vandenbroucke-Torrini, pasteure baptiste : « La violence dans la Bible : ces textes qui nous dérangent« . Il est clair qu’avant même d’être une révélation divine, une très grande part des textes bibliques sont d’abord essentiellement le reflet d’un vécu (violent) et d’une culture (violente) de cette part de l’humanité – un peuple « élu » dont nous ne sommes peut-être pas si différents au fond… Jacques Delcuvellerie le reconnaît d’une certaine façon quand il affirme : « Pour moi, il est clair que les hommes ont inventé des divinités à leur image et à leur ressemblance, et non l’inverse ». A contrario, je pense que la Révélation commence là où justement certains de ces personnages prennent distance avec cette culture ou cet instinct, et l’annoncent comme venant de Dieu. Jésus me semble le prototype parfait de cette rupture.
N’empêche qu’un certain nombre de chrétiens peuvent à juste titre -à moins de fermer les yeux et de ne plus regarder l’actualité- se sentir de plus en plus mal à l’aise vis-à-vis de cette vocation unique d’Israël dépositaire des promesses divines et qui en fait un tel usage… et donc mal à l’aise par rapport au lien intrinsèque entre le judaïsme et le christianisme, manifesté par les textes que l’on lit dans nos liturgies, et où Israël est abondamment cité (par exemple le récit guerrier de l’Exode lu à la Vigile Pascale)… Cela risque de devenir un réel problème ; j’ai pu entendre déjà des remarques de paroissiens à ce sujet.
Quels destins tragiques, de part et d’autre… !
Comment rompre cet enchaînement meurtrier de la violence et de la haine sans fin ?
Relire aussi René Girard, « La violence et le sacré ».
Shalom – salaam !
Bernard P.
