NOUS SOMMES EN GUERRE

Ce 4 octobre, fête de saint François d’Assise et clôture du mois pour la Création, je voulais vous partager ces lignes :   

« Ne vous mentez pas, nous sommes en guerre. En fait, la paix n’existe pas. Nous n’en connaissons que des simulacres. Pour que la paix devienne un jour réalité, il faudrait non seulement que tous les humains la désirent, mais également qu’ils évoquent la même chose quand ils en parlent. Or, personne ne lui donne un sens identique. Pour certains, la paix n’est qu’une situation permettant d’exploiter les populations, pour d’autres d’exploiter la nature, pour d’autres encore de favoriser leur nation ou d’entasser de l’argent dans les coffres-forts. En réalité, les gens, surtout les dirigeants et les puissants, attendent de la paix un bénéfice comparable à celui de la guerre : leur profit, leur impunité, le maintien de leurs privilèges, leur plaisir immédiat plutôt que le salut de l’humanité ou des générations à venir. Abandonnons cette illusion de paix et engageons-nous dans la véritable guerre, celle qui a commencé sans prévenir et que nous devons remporter.

Vous, les adultes, vous érigez la consommation en but, la concurrence en modèle unique. Vous corrompez notre enfance et les années qui suivront votre départ. Ni matures ni responsables, vous, les adultes, vous ne méritez pas ce titre. Nous sommes en guerre. Qui est l’ennemi ? Nous-mêmes, cette humanité arrogante, pleine d’insouciance ! »

Éric-Emmanuel SCHMITT, La Lumière du bonheur, pp. 331-333

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Ces mots mis dans la bouche de Britta Thorensen, personnage du roman de l’auteur et fac-simile de la jeune activiste écologiste Greta Thunberg, ont des accents de vérité car ils mettent le doigt sur l’illusion que nous avons tous d’un ‘état de paix’ qui n’est qu’apparent parce qu’il repose sur des rapports de force économiques et financiers et qui sont pour l’instant en notre faveur, mais qui sont complètement défavorables et même destructeurs envers de nombreuses autres parties du monde, et, à terme, à l’ensemble de l’humanité nous compris.

Je fais partie de ces adultes que Greta Thunberg prend souvent à partie. Je ne sais pas quel monde nous allons laisser aux générations suivantes – je n’ai pas d’enfants, cela ne m’empêche pas d’être hanté par cette question. Je voudrais quand je rendrai mon dernier souffle ne pas devoir me dire : Qu’as-tu fait – ou pas fait – pour que les enfants du futur ne tombent pas dans un monde en guerre complète et totale ? (C’est ce que nous prédisent beaucoup d’observateurs et de scientifiques qui analysent l’état de la planète.) 

Éric-Emmanuel Schmitt parle en effet lui aussi de guerre : « Nous sommes en guerre », fait-il dire à son personnage Gretta Thunberg. Mais ne nous trompons pas de guerre ! Nous ne sommes pas en guerre contre les migrants, les réfugiés qui par milliers et bientôt par millions, essayeront de se soustraire à un sort complètement injuste qui les condamne à une mort lente ou une existence épouvantable dans des conditions dont aucun de nous ne voudrait. Eux aussi sont victimes – avant nous – de nos comportements inconsidérés et de leurs impacts sur le climat. Nous ne sommes pas en guerre contre les touristes, ceux qui prennent occasionnellement l’avion pour s’offrir des vacances bien méritées et découvrir des pays qui ont bien besoin de cette manne financière. Mais nous sommes en guerre contre les opérateurs touristiques, les propriétaires de paquebots géants, les avionneurs et les gestionnaires d’installations aéroportuaires qui avec le soutien de leur gouvernement augmentent sans cesse l’offre et permettent un surtourisme qui génère de plantureux bénéfices pour eux, et une dégradation catastrophique de l’environnement – du climat.

Nous pouvons continuer cette énumération. Nous ne sommes pas en guerre contre les automobilistes, en particulier ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir une voiture électrique coûteuse, ni contre les petits propriétaires ou locataires qui faute de moyens ne peuvent pas investir dans des panneaux photovoltaïques, isoler leur habitation ou installer des pompes à chaleur. Mais nous sommes en guerre contre les gros producteurs de pétrole et de gaz qui ont si bien su rendre nos économies dépendantes des combustibles fossiles avec la complicité des puissants ; nous sommes en guerre contre les lobbys industriels et les gouvernements qui retardent autant qu’ils peuvent l’application de mesures visant à créer une mobilité propre où la voiture personnelle prend moins de place, et un habitat sain et moins gourmand en énergie, accessible à tous quel que soient leurs revenus. Nous ne sommes pas en guerre contre le petit paysan brésilien qui met le feu à un petit coin de la forêt amazonienne pour planter ses cultures vivrières et nourrir sa famille, mais nous sommes en guerre contre les grands consortiums agro-alimentaires qui importent à grande échelle des milliers de tonnes de soja pour produire chez nous de la viande, et qui obligent les amazoniens à défricher d’immenses zones boisées pour produire ce soja ou l’huile de palme utilisée dans notre industrie de transformation alimentaire.  

Ne nous trompons donc pas de guerre. Mais que nous le voulions ou non, nous y sommes tous engagés, co-responsables, car laisser faire, c’est consentir à ce que l’on obère définitivement l’avenir de nos enfants. Ce que le pape a nommé « le péché contre la création ». Faisons ce qui est à notre portée, chers amis, en choisissant ce que nous mangeons, ce que nous consommons, les vêtements et les comportements de déplacement qui ont le moins de coût en termes d’empreinte carbone. Chaque petit geste compte pour éteindre l’incendie, en petits colibris porteurs d’eau que nous avons le bonheur d’être tous ensemble si nous le voulons !   

En cette fête de saint François d’Assise, ne pourrions-nous pas nous rappeler qu’il y a de la joie, une ‘’sainte joie’’ à pratiquer la sobriété, en usant avec respect et modération des biens que nous offre la création ? – et en esprit de partage, car la Terre ne nous appartient pas en propre, elle est à tous et surtout aux générations à venir.

Bonne fête à tous les François et à ceux-celles que son esprit anime !

Bernard

Précédent article : « Tueurs à gage ? » : https://paysdesaintremacle.wordpress.com/actualite/

Quelques citations encore de Greta Thunberg :

«On n’est jamais trop petit pour faire une différence.»

«Nous ne pouvons pas sauver le monde en respectant les règles. Car les règles ont besoin d’être changées. Tout doit changer et cela doit démarrer aujourd’hui.»

«Plus grande est votre empreinte carbone, plus grand est votre devoir.»

«Vous ne parlez que d’aller de l’avant avec les mêmes mauvaises idées qui nous ont mis dans ce pétrin, même si la seule chose raisonnable à faire est de tirer le frein à main.»

«Nous devons coopérer et partager les ressources de la planète de façon équitable. Nous devons commencer à vivre dans les limites de ce que la planète propose, à nous concentrer sur les questions d’équité, et prendre quelques pas de recul au nom de la vie des différentes espèces. Il faut que nous protégions la biosphère. L’air. Les forêts. La terre.»

«Quand on commence à agir, l’espoir est partout. Alors, au lieu d’attendre l’espoir, cherchez l’action.»

«Nous savons que les hommes et femmes politiques ne veulent pas nous parler. Très bien, nous ne voulons pas leur parler non plus. À la place, nous voulons qu’ils parlent aux scientifiques, qu’ils les écoutent enfin.»

«Résoudre la crise climatique est le défi le plus important et le plus ambitieux que l’Homo sapiens ait eu à affronter. La solution est pourtant si simple que même un enfant pourrait la comprendre.»

«Notre maison brûle. […] Je veux que chaque jour vous ayez peur comme moi. Et je veux que vous agissiez. Je veux que vous agissiez comme si vous étiez en crise. Je veux que vous agissiez comme si notre maison était en feu. Parce qu’elle l’est.»

«Et pourquoi au juste est-ce que je devrais étudier pour un avenir qui pourrait bientôt ne plus exister parce que personne ne fait rien pour le sauver? Quel est l’intérêt de suivre les enseignements du système scolaire quand les plus grands scientifiques issus du même système ne sont pas écoutés par nos politiques et nos sociétés?»

«Tant que vous ne commencez pas à vous concentrer sur ce qui doit être fait plutôt que sur ce qui est politiquement possible, il n’y a aucun espoir.»

«En arrivant dans le port [de New York], je me suis réveillée et j’ai tout à coup senti quelque chose. C’était l’odeur de la pollution.»

«J’ai le syndrôme d’Asperger et cela signifie que suis parfois différente de la norme. Et dans les bonnes circonstances, le fait d’être différente est un superpouvoir.»

«Vous dites que vous aimez vos enfants. Pourtant, vous volez leur avenir sous leurs yeux.»

«Un murmure peut être plus puissant qu’un cri.»

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