Un an et combien de morts, de part et d’autre… ? De blessés ? De destructions, de vies à jamais broyées et de rêves écrasés sous les bombes… ?
J’assiste comme vous depuis un an, impuissant, à ce déchaînement de violence qui s’abat sur le Proche-Orient depuis l’attaque meurtrière du Hamas ce jour fatidique du 7 octobre, qui pour les chrétiens catholiques correspond à la fête de Notre-Dame du Rosaire. Il ne semble guère y avoir de rapport entre ces deux faits.

Cependant, la fête de Notre-Dame du Rosaire aurait été instituée suite à la bataille de Lépante en 1570 contre les Turcs. Les puissances de l’époque se disputaient alors le contrôle de la méditerranée. Mis en échec devant Malte en 1565 par la défense héroïque des chevaliers de l’ordre de Malte, les Turcs continuèrent pourtant leurs offensives sur ce qu’on appelait alors « la chrétienté », au point qu’en 1570 le pape Pie V invita les princes occidentaux chrétiens à se joindre à la « sainte Ligue » de résistance – une croisade – qu’il voulait mettre en place. Seuls les Espagnols, Venise et les différentes principautés italiennes répondent à l’appel du Pape. La division religieuse du protestantisme rend indifférente une bonne partie de l’Europe.
En infériorité numérique, en navires comme en hommes, les chrétiens sont néanmoins galvanisés par les harangues de leur chef, Don Juan d’Autriche, qui les exhorte au nom du « Dieu des armées » et qui leur distribue en quantité médailles, scapulaires et rosaires. La bataille tourne à l’avantage des chrétiens et les Turcs sont défaits. Le pape Pie V attribue la victoire à l’intercession de la sainte Vierge et fixe une fête de Notre-Dame des Victoires à la date du 7 octobre. Plus tard, la fête prend le nom de fête de Notre-Dame du Rosaire.
On a du mal aujourd’hui à comprendre qu’on puisse se réclamer d’une volonté divine pour justifier une guerre, ou attribuer à une intervention de la Mère de Dieu ou d’un autre saint, la victoire sur les ennemis. Certains, pourtant, se servent toujours de cette justification lorsque leurs intérêts sont en jeu. Le mot même de « croisade » contre « l’axe du mal » – n’a-t-il pas été évoqué par le président américain George W. Bush lors d’une allocution au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 pour qualifier l’intervention des forces américaines contre l’Irak de Saddam Hussein ?
Aujourd’hui, il semblerait qu’on est pareillement sorti de la rationalité dans le conflit qui oppose Israël non seulement au Hamas et au Hezbollah, mais aux populations de Gaza, de Cisjordanie et du Liban qui paient très cher les frais d’une guerre qui se veut « totale », selon les mots du premier ministre d’Israël. Pour éradiquer le mal, la capacité des organisations terroristes de frapper à nouveau, jusqu’où peut-on aller ? Sans justice, il ne pourra y avoir de paix. Or, chez les extrémistes juifs ou palestiniens, iraniens, on dénie clairement de part et d’autre le droit d’exister en tant que peuple, ou Etat. Chaque coup reçu en entraîne un autre, plus fort, en réponse – sans aucun respect pour les civils innocents. Ce qu’on appelle pudiquement « les dégâts collatéraux » est complètement négligé. Et les discours sont aussi meurtriers que les armes : il est même question chez certains de « guerre d’extermination » pour « nettoyer ethniquement » des territoires… Cela nous rappelle de tristes souvenirs : la guerre entre la Serbie et les musulmans de Bosnie-Herzégovine (Srebrenica), le Rwanda, le Kosovo, … et même la Shoah.
Pourquoi l’histoire doit-elle sans cesse se répéter ? Il faudra bien qu’un jour les humains apprennent à vivre ensemble quelle que soit leur culture, leur race, leur religion… et sans que ce soit le droit du plus fort qui doive toujours gagner. Mais quel long chemin à faire, quand les armes se seront tues ! La haine, la rancœur et le désir de vengeance, elles, ne désarment pas si vite. Pour aider ces peuples à s’engager sur ce chemin de réconciliation, les chrétiens n’auraient-ils pas une certaine mission que l’Evangile leur confère, ces chrétiens d’Orient qui ont eux aussi payé un lourd tribut à cause de cette guerre : beaucoup sont partis mais certains sont restés, et témoignent que le vivre-ensemble est possible si on s’accepte d’abord en tant qu’humains, et fils du même Dieu. Joignons nos prières aux leurs, et donnons chez nous le même exemple d’accueil et de respect des différences !
Bernard Pönsgen
L’œuvre de la justice sera la paix, Et le fruit de la justice le repos et la sécurité pour toujours. Isaïe 32,17
Semez selon la justice, moissonnez selon la miséricorde, Défrichez-vous un champ nouveau! Il est temps de chercher l’Eternel, Jusqu’à ce qu’il vienne, et répande pour vous la justice. Osée 10,12
Tout ce que vous lierez sur la terre, sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre, sera délié dans le ciel.
Matthieu 18,18
