Transmettre… Quoi ? à qui ? Et pour quoi ?

Une rencontre récente avec un responsable diocésain de la catéchèse lors d’un conseil décanal, dont le sujet était : « La catéchèse renouvelée : où en sommes-nous cinq ans après ? » a fait monter en moi quelques réflexions.

D’abord un constat : La catéchèse des enfants n’attire plus guère, malgré tous les efforts mis en place pour la rendre attrayante et l’inscrire dans un contexte de liberté et de souplesse en supprimant ou réduisant les « obligations ». Le nombre de catéchisés (première communion mais surtout la profession de foi) est en baisse constante à peu près partout ; quant à ceux qui préparent la confirmation, il y a longtemps que le mouvement était amorcé. Cela pose pas mal de questions pour l’avenir des communautés chrétiennes.

La « catéchèse renouvelée » se veut décloisonnée, intergénérationnelle, communautaire. C’était le projet du diocèse lancé en 2019 après une très large consultation. Mais qu’il est difficile d’y arriver, tant les moyens humains (et l’intérêt) font souvent défaut ! On peut bien sûr justifier de cette désaffection par les crises que traverse l’Eglise actuellement et qui sans aucun doute ont un impact dans les familles en relativisant chez les parents la nécessité de transmettre quelque chose de la foi à leurs enfants. On parle déjà depuis des années de crise de la transmission

Justement à ce propos, je me suis interrogé sur ce que nous, les responsables pastoraux, mais aussi les animateurs de la catéchèse, les parents chrétiens – il y en a encore ! – , sur ce que nous voulons précisément transmettre : Que voulons-nous faire aimer à nos jeunes ? Jésus-Christ ? L’Evangile ? L’Eglise ? Notre héritage catholique, avec ses traditions et ses rites ? Des valeurs auxquelles nous sommes plus ou moins attachés ? Selon ce point de départ, nos objectifs et nos attitudes seront probablement différentes…

Quoi qu’il en soit, très souvent, nous nous heurtonsà un mur, les jeunes en question ne manifestant qu’un intérêt très limité (et qui cesse dès qu’on a décroché la récompense : la communion, la profession de foi…) pour ce qui leur apparaît comme quelque chose de tout-à-fait déconnecté avec leur vie.

Et si ce mur, c’était nous qui l’érigions ? Cela m’est apparu en découvrant que le questionnement était assez semblable pour les enseignants chargés de faire aimer la lecture à leurs élèves. La lecture, beurk ! – à l’ère des réseaux sociaux et des loisirs numériques… D’après une enquête Ipsos, un jeune de 16 à 19 ans sur trois ne lit pas du tout dans le cadre de ses loisirs ; et la tendance va en croissant. En fait, il se pourrait que les pierres avec lesquelles nous élevons le mur qui sépare les enfants, les jeunes et sans doute d’autres de la recherche attractive d’une vie de foi, soient les mêmes que celles qu’utilisent les « pédagogues » pour bâtir une muraille entre les jeunes et les livres.

Quelles sont ces ‘pierres d’achoppement’ ? Ces pierres, c’est de faire passer le dogme (« Il faut lire », « il faut croire », « il faut entrer dans l’Eglise ») avant la relation à l’enfant, aux jeunes. C’est notre obsession du résultat – et notre inquiétude sur notre aptitude à la pédagogie. « Nous autres, pédagogues, nous sommes usuriers pressés. Détenteurs du Savoir, nous le prêtons contre intérêts. Il faut que cela rende. Et vite, faute de quoi, c’est de nous-mêmes que nous doutons. » (Daniel Pennac, Comme un roman, Gallimard 1992)

Dans le cadre de l’enseignement de la lecture, les raisons de cette urgence, de ce besoin de rendement sont clairement identifiées, sinon justifiées : la nécessité de réussir ses études, d’acquérir des outils, des bagages conceptuels ou culturels (pourvu qu’ils n’apparaissent pas obsolètes à nos jeunes immergés dans l’ère de l’immédiateté et du zapping…).

Mais en Eglise, c’est quoi notre excuse, notre urgence ? Pourquoi sommes-nous à ce point obsédés de rendement ? Comment avons-nous glissé de « Je vous ai dit tout cela pour que ma joie soit en vous » (Jn 15,11) à : « c’est notre objectif qu’ils apprennent tout cela » ?

S’il y a quelque chose à « transmettre », n’est-ce pas d’abord avant tout une VIE ? – qu’elle soit spirituelle ou autre. Et dans ce cas, la transmission se vit dans les deux sens, du jeune vers l’adulte et de l’adulte vers le jeune. Arrêtons d’être les « possesseurs du savoir » ; soyons des vivants !  Je pense que souvent, nous essayons de faire boire des « ânes » qui n’ont pas soif alors que nous n’avons pas vraiment soif nous-mêmes : où en sommes-nous de notre recherche de foi, de vie et de sens ? Ne nous sommes-nous pas arrêtés en chemin voici longtemps… ?

Pour ceux que cela intéresserait, je me propose avec l’accord de M. le curé de lancer un groupe de partage biblique (Lectio divina) pour tout, adulte, jeune, qui aimerait sur base des paroles offertes dans les évangiles échanger avec d’autres sur la vie, la foi, l’amour, la mort, l’espérance… Aucune connaissance préalable requise !  Contactez-moi :

Abbé Bernard Pönsgen

Bernard.ponsgen@gmail.com

0493/50 53 18

« Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. » (Mc 4,26)

2 réflexions au sujet de « Transmettre… Quoi ? à qui ? Et pour quoi ? »

  1. Avatar de Suzanne et René Carabin-DiérickxSuzanne et René Carabin-Diérickx

    Je rejoins tes réflexions et j’espère avoir la possibilité d’écrire un cheminement pensé, prié pour les enfants. Comme tu dis, il faut d’abord transmettre la Vie: la nôtre, celle de nos parents, de nos jeunes mais surtout celle de Jésus et sa famille. Beaucoup d’enfants n’entendent plus parler de Jésus car pas de religion en maternelle dans les écoles de l’Etat et peu dans les écoles libres. En Famille? Rare. Parler de Jésus pour le faire connaître avant d’arriver à des dogmes, rites et même l’Eglise. Quand nous parlons de la vie de nos parents à nos jeunes, ils écoutent souvent et sont intéressés: on transmet des vies vécues et ce qu’elles ont laissé de bon. Commençons par transmettre la vie de Jésus, ses actes et ses paroles… sa maman, sa famille, ses amis…et à travers eux l’Amour de Dieu, et sous le souffle de l’Esprit Saint: il y aura des fruits!

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