NEWSLETTER DE L’UP PAYS DE SAINT REMACLE STAVELOT-FRANCORCHAMPS – 4 décembre 2024

Notre-Dame de Paris : un symbole… de quoi ?

La réouverture de la cathédrale Notre Dame de Paris cette semaine suscite des flots de commentaires élogieux et cocoricoesques : On est presque à court de superlatifs sur les savoir-faire artisanaux de la France, l’efficacité des pouvoirs publics de la France, la richesse du patrimoine de la France, la grandeur enfin de la France qui peut se targuer d’avoir restauré et sauvé un tel monument historique, témoin d’un passé qui fait encore partie quelque part de l’identité d’une partie des français, des parisiens en particulier.

Ces éloges sont certainement justifiés et légitimes. On ne peut que s’incliner devant l’exploit, et admirer la générosité extraordinaire de la multitude de donateurs, grands et petits, qui a permis cette reconstruction. Admirer aussi le travail exceptionnel des centaines d’ouvriers et d’artisans à côté des architectes et maîtres d’œuvre. C’est une réussite totale. « Le chantier du siècle » a-t-on pu titrer.

Cela étant, on ne semble guère se poser la question de ces milliers d’églises qui dans le vaste paysage français (ou belge) sont, elles, toujours en souffrance et en grand besoin de restauration… mais qui ne voient arriver aucune manne financière. Soit. Notre-Dame de Paris est un symbole, évidemment, un symbole avant tout de puissance, comme d’ailleurs toute cathédrale : puissance des évêques et des princes jadis ; puissance d’un Etat souverain aujourd’hui qui s’est approprié les ors et les hautes voûtes de ce temple pour magnifier sa grandeur. Le président français l’a bien compris, qui n’a été comme jamais à court d’éloges et de remerciements envers toutes les corporations impliquées dans le projet – sous-entendant indirectement que ces applaudissements devraient lui revenir en score de popularité, à lui qui avait promis ce relèvement en cinq ans. (Jésus, lui, l’a fait en trois jours… mais il parlait du Temple de son corps !)

Bien sûr, on ne peut pas réduire Notre-Dame uniquement à un symbole de gloire d’un Etat qui est toujours resté nostalgique de la monarchie jusque dans l’institution présidentielle. Notre-Dame n’est pas Versailles. *

La sidération silencieuse et les larmes des milliers (millions) de spectateurs incrédules lors de l’incendie le lundi 15 avril 2019, à la veille de la semaine sainte, témoignait et témoigne encore d’un attachement surprenant à un symbole religieux, alors que la pratique chez les catholiques, elle, a chuté vertigineusement en ce début de siècle. Il y aurait donc une fibre qui vibrerait encore chez beaucoup de ces contemporains qui ont délaissé leur baptême – ou parfois renié.

L’émotion m’avait saisi moi aussi devant cet effondrement rougeoyant digne d’une apocalypse. J’avais l’impression qu’un monde s’écroulait ; j’y voyais un autre symbole, celui d’une chrétienté et d’une civilisation imprégnée de cet héritage chrétien qui s’en allait, symbole annonciateur d’autres effondrements… je n’étais pas loin d’avoir raison.

Mais la vraie foi chrétienne est faite de morts et de renaissances. Elle s’adapte aux cultures, aux langages, et retrouve à chaque époque d’autres modes d’expression. En outre, le christianisme n’est pas dépendant des bâtiments qu’il occupe, fussent-ils sacrés ! Si c’était le cas, nous ne serions pas loin d’une sorte d’idolâtrie… Au contraire, pour les croyants, le vrai sanctuaire n’est pas un monument historique, mais le corps du Christ que nous formons ; le vrai Temple de l’Esprit de Dieu n’est pas sous les voûtes gothiques, mais dans le corps personnel de chacun. En ce sens, pour les disciples du Christ, les pierres c’est bien, les humains c’est mieux !

« Frères, ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? […] Le sanctuaire de Dieu est saint, et ce sanctuaire, c’est vous. » (1Co 3,16)

Si on reconstruit une cathédrale, si on remet ce temple debout, c’est pour que Dieu habite en nous, car il n’habite pas les pierres… : « Ils me feront un sanctuaire, et j’habiterai en eux » (Ex 25,8)

Étienne, premier martyr, rappelait à ses juges : « Le Très-Haut n’habite pas dans ce qui est fait de main d’homme, comme le dit le prophète : Le ciel est mon trône, et la terre, l’escabeau de mes pieds. Quelle maison me bâtirez-vous, dit le Seigneur, quel sera le lieu de mon repos ? N’est-ce pas ma main qui a fait tout cela ? » (Ac 7,48-50)

Puisse cette inauguration solennelle hyper-médiatisée raviver en nous et en tous les chrétiens le désir de devenir nous-mêmes le vrai sanctuaire de Dieu parmi les hommes !

Abbé Bernard Pönsgen 

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(*) Note : On ne peut s’empêcher de voir à travers cette médiatisation importante lors de l’inauguration de la cathédrale restaurée, une récupération politique autoglorifiante. Le nombre de chefs d’Etat et de têtes couronnées invitées (même un certain Donald Trump qui a déjà annoncé sa venue !), de hauts fonctionnaires de l’Etat français et de présidents d’assemblée qui seront présents, sans parler des robes rouges et violettes des prélats – qui auraient bien voulu entraîner le pape François dans ce piège (heureusement, ses priorités sont ailleurs) : tout cela sent fort la prise de possession de Notre-Dame, non pas par le peuple, mais par une élite orgueilleuse. Ne devrait-elle pas méditer cette apostrophe de Jésus : « Malheur à vous, pharisiens ! parce que vous aimez les premiers sièges dans les synagogues, et les salutations dans les places publiques. Vous bâtissez les tombeaux des prophètes, que vos pères ont tués. Malheur à vous ! parce que vous êtes comme les sépulcres qui ne se voient pas, et sur lesquels on marche sans le savoir. » (Luc 11, 43-44.47).

4 réflexions au sujet de « NEWSLETTER DE L’UP PAYS DE SAINT REMACLE STAVELOT-FRANCORCHAMPS – 4 décembre 2024 »

  1. Avatar de Suzanne Carabin-DiérickxSuzanne Carabin-Diérickx

    Que c’est bon de lire ces réflexions! Je me culpabilisais presque de ne pas ressentir grand chose…L’incendie m’avait secouée et m’avait réfléchir aussi…Je n’ai pas un grand amour pour les cathédrales (on en a pourtant visité beaucoup); j’aime beaucoup mieux les petites chapelles de campagne ou de montagne qui sont plus à mon niveau…Les cathédrales c’est trop grand, souvent trop froid. Mais je me suis toujours demandé comment ils avaient pu construire ainsi à l’époque? J’admire les corps de métier, les artisans qui ont redonné sa beauté à ND de Paris: quel travail, quel risque, quel art! Elle semble vraiment très belle c’est vrai mais je n’irai plus la voir…Triste aussi de la récupération politique qui en est faite… Avec la communauté Maranatha de Bruxelles, nous avons fait partie de groupes de couples chrétiens qui se retrouvaient plus ou moins une fois par mois: partager, prier, méditer et terminer par la messe dans une église près de la gare(laquelle???) et Père Mutien Lambert avait appelé nos groupes des « ecclésioles »: de petites églises humaines où nous mettions ensemble notre vécu, nos peines, nos joies, notre foi…Ce n’est rien à côté de Notre-Dame de Paris mais nous essayions d’être des cellules d’Eglise, de la famille de Jésus, marie et Joseph » Si les chrétiens pouvaient se réveiller avec ND de Paris? Merci Bernard pour tes réflexions nourrissantes. J’ai appris une nouveau mot’cocoricoesque ». Merci Bises. suzanne Carabin

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  2. Avatar de bernardponsgenbernardponsgen Auteur de l’article

    Bonsoir Bernard,

    Avec grand intérêt, je viens de lire ton article sur Ntre Dame de Paris. Beaucoup de nos politiciens et mêmes gens d’Eglise auraient besoins de leçon  d’humilité ….

    J’ai beaucoup apprécié tes commentaires.

    Merci et bonne soirée 

    Marie

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