
Ce lundi 20 janvier 2025, nous entrerons dans un autre monde, un monde différent de celui que nous avons connu depuis des décennies. Un monde « trumpisé ».
L’investiture à Washington du 47ème président des Etats-Unis marque certainement un tournant dans l’histoire. Il est symbole – à la fois effet et cause, des changements extrêmement profonds et sans doute durables qui affectent notre civilisation construite sur des idées démocratiques héritées des grecs, et imprégnée à l’origine de la pensée judéo-chrétienne et de la philosophie des lumières qui ont produit ce qu’on appelle « les Droits de l’Homme ».
Je pense que nous sommes à un tournant de civilisation, en effet. Et ce monde nouveau qui advient me fait peur. Il inquiète tous les démocrates, les philosophes, sociologues, qui observent le glissement, la transformation en pleine accélération des mentalités, modelées sur une culture égotique et narcissique implémentée dans des centaines de millions de cerveaux par le formatage médiatique des GAFA et des réseaux sociaux.
Dans ce processus, le concept de vérité n’est plus qu’une notion relative, remplacée par l’opinion, laquelle est évidemment manipulable à souhait selon les intérêts de ceux qui fabriquent l’information et chez qui on retrouve des magnats de la high tech tels que notre ami Elon Musk, proche du président. L’utilisation des algorithmes sur les réseaux sociaux, s’additionnant aux « fake news » (informations fausses ou trafiquées) générant des courants complotistes voire négationnistes, ce phénomène enferme les gens dans des cercles d’opinions et de croyances de plus en plus fermés. Effet collatéral : dans presque tous les domaines de la vie sociale et politique, on pratique de moins en moins le dialogue, l’écoute constructive et la recherche de convergence ou de compromis, mais on se radicalise dans une auto-affirmation sans concession de sa propre identité et de ses choix – ce qui favorise évidemment un communautarisme étroit. (Cela explique en partie bien des blocages actuels dans la vie politique, par exemple).
À partir du moment où il n’y a plus une vérité extérieure à soi-même, on entre dans ce fonctionnement mental pervers et dangereux que Benoît XVI avait dénoncé dans une mise en garde très claire : le relativisme. Cette attitude peut porter atteinte à toutes les valeurs communes – et pas seulement religieuses, et saper aussi bien les institutions que les lois elles-mêmes qui dirigent et protègent la société. Seul compte le pouvoir (la force), et celui qui le possède a le « droit » de modifier, de contourner ou même d’abroger toute règle qu’elle soit nationale ou internationale selon son bon vouloir et ses intérêts. La guerre elle-même devient alors un moyen « légitime » d’obtenir ce que l’on souhaite, ainsi que l’a décidé Vladimir Poutine en envahissant l’Ukraine comme il le fait, au nom de la « sainte Russie ».
Les déclarations récentes de Donald Trump concernant une annexion possible du Groenland aux USA par la force sont également un exemple de cette mentalité, même s’il ne passe pas aux actes. On peut se référer aussi à la manière dont il a voulu forcer l’élection perdue de 2020 lors de son échec contre Biden. Qu’un type pareil accède à la présidence de la première superpuissance mondiale est profondément inquiétant, certes, mais ce n’est que l’épiphénomène d’un bouleversement tout aussi profond qui menace l’ensemble de nos sociétés démocratiques : l’émergence d’une internationale d’extrême-droite décomplexée, et qui a désormais pignon sur rue. Dans presque toute l’Europe, ces courants et ces partis d’extrême-droite s’affichent avec des scores impressionnants et participent ci et là au pouvoir, compliquant voire bloquant parfois le fonctionnement de l’UE.
L’invitation adressée par le futur président Trump pour sa cérémonie d’investiture à plusieurs leaders de ces partis extrémistes ou Etats gouvernés par l’extrême-droite, et en ignorant royalement les autres figures de proue des pays ou institutions européennes tels que la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, le président français Macron et d’autres chefs d’Etat ou ministres dont les critiques lui ont déplu, cela est révélateur d’un état d’esprit complètement fermé à tout ce qui n’est pas dans sa « ligne ».
Vu la déliquescence économique de l’Europe, il est à redouter qu’avec les encouragements de la mouvance trumpiste auprès de ces courants d’extrême-droite et les mensonges qui les accompagneront, les forces vives démocratiques de nos pays soient de plus en plus affaiblies pour devenir à la longue minoritaires : On sent que les mentalités changent, et chez les gens déçus par nos politiques et meurtris par l’inflation, l’extrême-droite est désormais perçue comme une option acceptable et non plus ostracisée (les cordons sanitaires sautent les uns après les autres). Les leçons du passé s’oublient, les discours se radicalisent, et il y a en l’air comme une ambiance qui pourrait évoquer celle des années ’30 d’avant-guerre…
L’avertissement donné par le président sortant Joe Biden quelques jours avant son transfert de pouvoir à Donald Trump au cours de son discours d’adieu, cet avertissement sonne comme un glas : « Je veux mettre en garde le pays contre certaines choses qui m’inquiètent grandement », a lancé le démocrate de 82 ans. « Il s’agit de la dangereuse concentration du pouvoir aux mains de très peu de personnes ultrariches » et des « conséquences dangereuses si leur pouvoir est laissé sans limites ». « Une oligarchie prend forme en Amérique » et elle « menace concrètement notre démocratie tout entière, nos droits et libertés élémentaires ».
Sans les nommer, le futur ex-président vise clairement son successeur Donald Trump et les multimilliardaires de la tech désormais derrière le républicain, au premier rang desquels Elon Musk, appelé à occuper un poste-clé au sein de la nouvelle administration.
« Les Américains sont ensevelis sous une avalanche de désinformation qui permet l’abus de pouvoir », a encore déploré Joe Biden, en appelant à faire « rendre des comptes » aux réseaux sociaux et à mettre en place des « garde-fous » pour l’intelligence artificielle. La « concentration de richesse et de pouvoir (…) porte atteinte au sens de l’unité et du bien commun. Elle cause la défiance et la division », a encore dit le 46e président des Etats-Unis. Il s’est alarmé aussi des « forces puissantes » qui voudraient « éliminer les mesures que nous avons prises pour affronter la crise climatique. »
« A votre tour de monter la garde », a-t-il finalement lancé à ses compatriotes, faisant preuve, après 50 années de vie politique, d’une lucidité hélas sans plus de pouvoir.
N’avons-nous pas nous aussi à « monter la garde » pour protéger nos institutions et défendre nos valeurs, que ce soit au nom de l’évangile si nous sommes chrétiens, ou du respect des Droits Humains tout simplement, dans ce monde où la vie humaine, et la vie tout court parfois, a de moins en moins de prix face à l’argent ? Mobilisons-nous et faisons entendre nos voix, mais surtout celle de la Vérité – pour laquelle Jésus est mort.
Sinon ce nouveau monde qui commence lundi pourrait ressembler un jour à un cauchemar…
Bernard Pönsgen

Merci Bernard pour la vigilance dont tu fais preuve et que tu nous partages nous en avons bien besoin.
Françoise Bonnetin
Tu as si bien exprimé ces réalités qui entourent la venue de Trump…Comment exprimer mieux et que faire? Je n’hésite pas à signer des pétitions qui me semblent justes mais devant ce phénomène, je me sens dépourvue! A mon niveau, j’essaie de remettre en valeur le relationnel, la dimension humaine en toute chose, l’ouverture au monde qu’on découvre à travers des témoignages comme Cibombo, le Père Pedro à Madagascar etc…Mais, même ici, en Belgique, des lois injustes ou une justice insuffisante en personnel et en moyens…atteignent les plus pauvres…Une très proche a dû déménager du centre de Theux car la maison louée était très humide, les mycoses arrivaient sur les murs et les proprios, fortunés, n’ont rien fait après les inondations de 2021. La maison est déclarée inhabitable…Les proprios vont en appel et accuse la locataire de ne pas avoir assez chauffé!!!!Une personne malade des bronches etc…Elle a dû prendre un avocat prodéo qui fait ce qu’il peut…La caution de 2 mois de loyer est toujours bloquée…Le proprio s’enfout, il est riche et il a un très bon avocat qu’on soupçonne ami du juge de paix qui doit décider si oui ou non la locataire est responsable de l’inhabitabilité de la maison…La locataire a la pension minimale alors qu’elle a travaillé toute sa vie…Il suffit d’un mot du juge de paix et ça traîne depuis décembre 2023… J’avais suggéré de faire du bruit avec le « Bouton orange, alertez-nous de RTL…mais j’ai peur de faire plus de tort que de bien…Que va devenir notre monde dans un tel monde? Suzanne Carabin-Diérickx