
La « Flotille de la Liberté pour Gaza » arraisonnée en pleine mer dimanche par les Israéliens avec à son bord l’activiste Greta Tunberg et 12 militants pro-palestiniens a suscité dans les réseaux sociaux une vague extrême de critiques et de moqueries acerbes venant surtout des catégories masculines blanches : Les plus gentils dénoncent une « récupération » de cette démarche par le Hamas qui l’aurait même suscitée en sous-main ; d’autres parlent d’une opération de communication à l’avantage de la jeune Greta qui soignerait ainsi son image un peu pâlie depuis ses coups médiatiques en faveur du climat (grèves des étudiants p. ex.). Mais beaucoup de ceux appartenant à ce public blanc (par opposition aux citoyens d’origine non européenne) se déchaînent avec méchanceté et ironie sur la petite mêle-tout qui prétend sauver la planète et qui n’est qu’une emm…euse , remballée dans sa Suède natale en avion – elle qui luttait contre la démultiplication des voyages aériens !

Cette méchanceté gratuite des « blancs » m’interpelle. Elle montre une totale indifférence au sort des gazaouis et à la tragédie qui les frappe, affamés depuis des mois par le blocus imposé par Israël qui s’en prend aussi aux journalistes, aux O.N.G. et à leur personnel sur le terrain : on parle désormais de crime contre l’humanité. Cette situation intolérable se déroule dans le silence quasi total des gouvernements occidentaux qui n’osent pas froisser leur partenaire commercial israélien ni se faire accuser d’antisémitisme, comme l’est systématiquement tout qui critique la politique du gouvernement nationaliste de Netanyahou. Certains d’ailleurs comme les Etats-Unis sont ouvertement soutien déclaré à Israël qu’ils fournissent en armes pour écraser la résistance à Gaza et augmenter l’occupation des colons en Cisjordanie. Le massacre du 7 octobre par les malades terroristes du Hamas sert désormais de prétexte à une élimination de toute une population palestinienne (deux millions) dont le gouvernement israélien ne cache plus son intention de l’expulser totalement et définitivement du territoire de Gaza. Rappelons que les bombardements incessants ont déjà fait 55.000 morts, femmes et enfants compris, du côté palestinien.
La prudence diplomatique des politiciens est une chose déjà déplorable en soi. Mais la hargne et la froideur d’une frange importante des citoyens blancs en est une autre : Pourquoi une vie d’un arabe palestinien aurait-elle moins de valeur que celle d’un israélien, juif ou non ? Est-ce finalement une question de couleur ? De religion ? Les théories extrême-droitistes du « remplacement » ont encore pas mal de succès dans nos pays dit démocratiques… avec ce que cela induit comme peur et rejet des « foncés ». Les réseaux sociaux (contrairement à la plupart des médias traditionnels) s’en font une énorme caisse de résonnance qui conditionne et contamine toute une génération qui n’use pas d’autres sources d’information mais en profite pour se défouler sans freins. On sait le succès croissant du « complotisme » et des théories d’extrême-droite à fort relent nationaliste véhiculées sur ces réseaux qui ne font l’objet d’aucun contrôle.

La « Marche Mondiale pour Gaza » qui démarre du Caire aujourd’hui à travers le Sinaï pour rejoindre le point de passage de Rafa, aura-t-elle plus de succès que la Flotille de la Liberté ? J’en doute fort. Déjà un certain nombre de ces personnalités (médecins, avocats, artistes et autres humains conscients) ont été arrêtés dès leur arrivée à l’aéroport du Caire et expulsés manu militari par les égyptiens qui entendent rester en bons termes avec leur voisin Israël… Et cette Marche ne va pas stopper ni freiner la détermination de Netanyahou à « nettoyer » la bande de Gaza, lui qui a jeté son va-tout dans cette guerre pour conserver son poste et ne peut en aucun cas reculer. Au moins la Marche aura-t-elle valeur de cri dans ce désert d’indifférence voire de haine qui est celui de notre monde « blanchisé ». Ne rien faire c’est être complice, clament les participants à cette Marche pacifiste.
À propos de « blancs » racistes et nationalistes, on ne peut qu’être inquiet devant l’évolution radicale qui a lieu outre-Atlantique : la politique de Trump s’en prenant aux immigrés illégaux qualifiés par lui de « criminels » pour les expulser – cette politique rencontre un franc succès chez les blancs américains qui applaudissent à deux mains : dans les sondages, plus de 80% approuvent son action anti-immigrés. Même chez nous, certains, blancs eux aussi évidemment, n’y trouvent rien à redire. On arrête les gens chez eux au petit matin ou sur leur lieu de travail, pour les envoyer d’abord dans des lieux de détention (ce cher Trump voudrait aussi rouvrir Guantanamo !) puis les expulser vers leur pays d’origine. Les manifestations qui ont lieu à Los Angeles sont pour Trump un prétexte pour mettre de l’huile sur le feu en envoyant la Garde Nationale et faire de ces manifestants des « terroristes étrangers » dont il veut délivrer l’Amérique. Clairement, c’est une méthode qu’il affectionne : créer le chaos pour apparaître ensuite comme le sauveur, le cow-boy qui mate les méchants indiens en montrant sa force.

Cette pratique de déshumaniser certaines catégories sociales ou raciales en commençant par les plus faibles, afin d’en faire des boucs émissaires et assouvir les fantasmes d’une population blanche de « surhommes » supérieurs, cela rappelle cette idéologie nationaliste qu’on croyait d’un autre temps mais qui refait apparemment surface mutatis mutandi : la stigmatisation des Juifs par le nazisme et qui a conduit à ce que l’on sait. Stephen Miller, l’idéologue en chef de la Maison Blanche qui reprend actuellement auprès de Trump le rôle d’Elon Musk en disgrâce, a pour ambition de purger la société de la « vermine » étrangère et de tout ce qui a trait au Wokisme (diversité de couleur, d’orientation sexuelle, de culture…) y compris dans le langage, les livres, l’éducation et les médias. Des listes reprenant des mots qui doivent disparaître ont été envoyées aux établissements d’enseignement, des dizaines d’études et de thèses de doctorat ont disparu d’internet.
On sait aussi combien les universités comme Harvard, Columbia en particulier, sont dans le collimateur de Donald Trump et de ses maîtres à penser, accusées d’être des incubatrices de l’antisémitisme et du wokisme chez les étudiants. Les demandes de visas pour les étudiants étrangers ont tout bonnement été suspendues. En coupant les financement fédéraux (plus de 12 milliards de dollars) aux universités, en obligeant les institutions dans le supérieur à licencier en masse et à geler les embauches, en fermant les laboratoires de recherche pour, comme l’annonçait Trump avec jouissance, « éradiquer définitivement la folie antiaméricaine de nos institutions », il semble que nous voilà revenus au temps de l’Inquisition et des autodafés de livres brûlés sur les bûchers d’autrefois… Les dirigeants universitaires de tout le pays craignent que le gouvernement utilise l’arme financière pour contrôler les programmes, le recrutement des professeurs comme l’admission des étudiants.

Et tandis que les dotations fédérales sont taillées à la hache, les manifestants n’envahissent pas les rues… Dans une étude publiée en février 2024, le Pew Research Center pointe que 45% des Américains considèrent désormais que les universités ont un impact négatif sur le pays, contre 26% en 2012. Michael Sandel, professeur de philosophie à Harvard, analysait que le monde universitaire aux États-Unis avait été trop longtemps au cœur du mensonge méritocratique des élites démocrates : « Avec l’accroissement des inégalités, une très faible mobilité sociale et un enseignement supérieur largement fermé aux enfants de familles démunies, il n’est pas surprenant que beaucoup de travailleurs américains non diplômés aient fini par se sentir insultés, humiliés et méprisés par les élites surdiplômées. » Encore une fois, Donald Trump, en bon démagogue, a tapé juste auprès de son public populaire blanc, mâle et frustré. Quel génie, quand même !
Les réactions des démocrates américains tétanisés depuis leur échec cuisant à l’élection présidentielle, ces réactions sont presque inexistantes, à part celle du gouverneur de Californie Gavin Newsom qui a lancé un véritable réquisitoire contre Donald Trump : « La démocratie est attaquée sous nos yeux ». « Ce que nous voyons n’a pas trait à l’application de la loi – il s’agit d’autoritarisme, a-t-il déclaré. La Californie est peut-être la première. Mais ce ne sera pas la dernière. D’autres Etats suivront. La démocratie est la prochaine cible. »

Face à tout cela, l’Eglise catholique reste bien silencieuse, je trouve. Juste un appel gentillet du pape Léon XIV qui invite à « ouvrir les frontières » et condamne l’« esprit d’exclusion ». Dans son homélie de la Pentecôte, le pape américain n’a pas spécifiquement évoqué d’événements ou conflits, ni désigné des dirigeants, se contentant d’encourager les fidèles à s’ouvrir aux autres en éduquant les passions qui s’agitent en nous pour les contenir. Il fait référence à l’Esprit saint qui « ouvre également les frontières dans nos relations » tandis que l’Eglise doit « ouvrir les frontières entre les peuples et abattre les barrières entre les classes et les races ». En mettant en garde lui aussi contre le danger des réseaux sociaux, le pape a également déclaré que Dieu était un antidote aux relations toxiques marquées par « le désir de manipuler et de dominer les autres » et il a fait référence à la violence envers les femmes.
Bref, des choses justes et dites bien gentiment ; mais, quand donc l’Eglise et ses représentants oseront-ils enfin taper le poing sur la table et appeler un chat un chat ? Dénoncer le mal, c’est bien ; dénoncer ceux qui le font, au risque de ramasser des retours de flamme, c’est mieux !
L’Esprit de Pentecôte qui abat les murs et les frontières a encore beaucoup de travail devant lui…
Le Ploumtion

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