Nos églises sont sauvées ! (une réflexion du Ploumtion – n°12)

« L’été s’ra chaud dans les t-shirts, dans les maillots… » (Stone et Charden)

Avons-nous encore droit à une information responsable et honnête de la part des chaînes télévisées, qu’elles soient publiques ou privées ?

On pourrait en douter, tant les commentaires sur la canicule de juin sont majoritairement restés dans le superficiel voire l’anecdotique. Tout au plus proposait-on des moyens pour se rafraîchir, éviter de se déshydrater et éviter les dangers liés à la baignade… sans doute pas inutiles, mais quels sont ceux qui s’interrogent vraiment sur les causes de ces phénomènes et les moyens de les prévenir ?   

« Il fait beau, c’est l’été, il faut arrêter de se plaindre », lançait un chroniqueur, le 30 juin, sur le plateau climatisé de sa chaîne BFMTV (Emmanuel de Villiers). Ce lundi-là, la France mais aussi une large partie de l’Europe passait sa nuit puis sa journée les plus chaudes jamais enregistrées pour un mois de juin. Et les départs en vacances (bien mérités, souligne-t-on avec jubilation) remplissant les avions et les autoroutes de millions de voyageurs au même moment, sont pour de nombreux présentateurs de journal TV l’occasion de déployer une fois de plus dans ces reportages estivaux les bienfaits d’une civilisation des loisirs qui ne s’encombre pas vraiment de ces « détails ».

Je suis outré par une sorte de négationnisme de fait de la part de ceux qui, plus que d’autres vu leur mission d’informer, devraient au contraire mettre en garde et faire réfléchir la population, négationnisme peut-être inspiré des discours anti-écologistes et lénifiants de la mouvance MAGA trumpiste. Pour un autre présentateur sévissant sur CNews, Pascal Praud,  la canicule n’était pas un fait grave puisqu’elle ne durait que quelques jours (dixit le 1er juillet). La journaliste sur le même plateau a bien tenté de lui expliquer que la fréquence des canicules allait augmenter selon les prévisions des scientifiques : Le présentateur, irrité, s’est contenté de répondre qu’il n’aimait pas prévoir. Sic.

Or les rapports du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) sont effectivement clairs : l’accroissement des vagues de chaleur est scientifiquement validé dans presque toutes les régions du globe. Certaines régions commencent déjà à devenir – ou sont de plus en plus inhabitables. Mais encouragés par les lobbys pétroliers, et dans la crainte de résultats négatifs dans les urnes par des électeurs frustrés et mécontents, personne dans les sphères politiques ne se décide vraiment à mettre le doigt là où ça fait mal. Et les médias leur emboîtent le pas joyeusement, en présentant désormais incendies et inondations comme de simples faits divers, vite chassés par d’autres.

J’ai été scié par une information qui est passée récemment, selon laquelle des simulations ont été réalisées pour tenter de voir comment on allait s’adapter à des températures dépassant 50° en ville. On rêve ? Hélas non. Je ne nie pas qu’il va certainement falloir inventer des stratégies pour s’adaper à des températures élevées, mais le ton de cette information suggérait qu’en fait, il s’agit d’une défaite acceptée. Plutôt que de lutter contre les causes et de prendre des mesures fortes (impopulaires à court terme), on mise tout sur « l’adaptation », avec une sorte de fuite en avant. Car en effet, n’oublions pas : comment les tranches les plus fragiles de la population, en âge, en santé ou socialement, vont-elles pouvoir s’adapter ? Ou peut-être ne s’intéresse-t-on qu’à ceux qui auront les moyens de s’offrir un logement et des moyens de transport climatisés. J’ai lu dernièrement un témoignage d’un jeune vivant dans un deux pièces de 20 m² qui a dû fuir son cagibi surchauffé à 40° et qui était aussi son lieu de travail pour se réfugier en partie chez ses parents, en partie chez une copine. Aucun travail cognitif n’était possible dans ces conditions, disait-il. De combien de personne cela devra-t-il être le lot à l’avenir, tandis que d’autres se dorent la pilule dans des bars climatisés à Acapulco ou ailleurs ?

Il est certain, rappellent les scientifiques, que tout ce qu’on fera pour empêcher (limiter) la hausse des températures et le dérèglement climatique, coûtera de toute façon moins cher que tous les investissements destinés à s’adapter à des chaleurs extrêmes et des dégâts extrêmes du fait des tempêtes, incendies meurtriers et autres joyeusetés que les assurances commencent déjà à ne plus vouloir couvrir à l’avenir (elles, elles ont déjà compris).

L’écologie est maintenant mise en accusation dans plusieurs courants médiatiques – mais aussi et surtout, singulièrement, dans les milieux d’extrême-droite. On taxe les militants d’escrologistes, d’écolo-terroristes, etc. Le but est clairement de les discréditer-décrédibiliser dans l’opinion publique.  Titre d’un débat sur BFMTV : « Canicule : l’écologie, ça commence à bien faire ? ». Cette phrase, prononcée à l’origine par Sarkozy en 2011 à un Salon de l’Agriculture, est appliquée à toutes les sauces. Elle crée et diffuse l’idée d’une écologie tristoune et castratrice, anti-croissance et moralisatrice. Bref, des empêcheurs de faire du fric et de s’amuser en rond.

Selon une bénévole à l’association française Quota Climat, « l’objectif de ces médias de droite est de rendre ridicule une écologie qui porte une vision de la société incompatible avec leur ligne éditoriale et avec les milliardaires propriétaires de ces médias ». Le public, rassuré et surtout ravi de ne pas être pris à partie et rendu responsable, les suit volontiers.

Sachons choisir nos sources d’information, les diversifier et surtout repérer les manipulations plus ou moins cachées. En tout cas, je me dis de plus en plus qu’on a trouvé un avenir pour nos églises menacées de désaffectation et de fermeture par manque de pratiquants : elles feront bientôt sans doute partie des refuges anti-canicule au même titre que les musées ou les grands magasins… Ouf, les voilà sauvées !

Le Ploumtion

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