
Au moment où je publiais ces lignes, un pilonnage tel qu’il n’y en avait pas encore eu de cette violence venait d’avoir eu lieu la nuit dernière sur la ville de Gaza, au point que selon les témoins sur place on y voyait comme en plein jour. Ce bombardement intense précède l’invasion sur le terrain des forces terrestres et blindées, officiellement pour « nettoyer Gaza ». Les habitants, prévenus 5 minutes avant le début du bombardement, fuient désorientés, sans refuge où se mettre en sécurité. Tsahal a prévenu que le coût en vies humaines serait lourd…
« Ce n’est pas le monde que nous voulons ! » (Pierre Galand, président de l’Association belgo-palestinienne (ABP), président de l’Organisation mondiale contre la torture – Europe). Je ne peux que m’associer à cette déclaration.
Une mobilisation populaire comme celle à laquelle nous avons assisté ce dimanche 7 septembre à Bruxelles, il n’y en a pas souvent ! Pour Gaza et ses habitants palestiniens, entre 70.000 et 110.000 personnes se sont levées, « pour ne pas devenir fous », comme le soulignait Béatrice Delvaux dans son éditorial du Soir (Le Soir, lundi 8/09/2025 pages 1 à 3). Car il y a cette gravissime question : Comment les gouvernements européens dans leur ensemble, et la Commission européenne en particulier, peuvent-ils demeurer si mous et si lâches devant les crimes atroces perpétrés à Gaza par l’armée israélienne pilotée par la clique fascisante de Netanyahou ? On n’a jamais vu cela, une population toute entière sommée de partir (où?) à moins d’être écrasée sous les bombes ou massacrée par l’arme la plus abjecte, celle de la faim ! « Au fil de ma carrière, déclare Pierre Galand, j’ai vu des régions où sévissait la famine. Mais je n’ai jamais vu une situation comme celle-ci, où des enfants meurent de faim alors que trois kilomètres plus loin, il y a 3.000 camions chargés de nourriture qui sont interdits de passage. Ce n’est pas le monde que nous voulons ! »
Et interpelle aussi la mollesse de la diplomatie belge (et européenne) laquelle refuse de remettre en question les accords commerciaux et diplomatiques avec l’Etat israélien – juste une reconnaissance théorique (et hypocritement conditionnelle) d’un Etat palestinien fantôme qui n’a pas les moyens de prendre son existence en mains – ce qu’Israël veut éviter à tout prix.
Je n’en suis pas à mon premier article sur Gaza (cf. « Le Ploumtion » 8, 9, 10, 11…) – publiés sur un site paroissial à audience très modeste. Sans doute n’est-ce pas l’information que recherche la majorité des visiteurs de ce site – lequel a surtout pour vocation de communiquer des horaires de messe, des renseignements pratiques pour organiser des communions, des manifestations cultu(r)elles… Mais, tant que mon curé me le permet, encouragé aussi par certaines de vos réactions, je ne peux pas m’empêcher de pousser un cri et de partager par ce moyen mon indignation, ma révolte et ma profonde tristesse à propos de ce qui se passe sur ce bout de « Terre Sainte ». Afin de pouvoir me considérer moi-même comme humain et ne pas tomber dans l’indifférence, la résignation. Pour ne pas devenir fou.
Oui, « nous sommes en train de devenir fous en silence » comme le balançait Hisham Matar, écrivain libyen et Prix Pulitzer en exil, cité par Béatrice Delvaux dans son éditorial. On devient fou, le monde devient fou, quand les valeurs universelles qui imposent le Sens commun de l’Humanité et le Droit International sont bafoués ostensiblement et cyniquement, à Gaza…, en Ukraine…, en Somalie…, au Yémen…, aux Émirats…, au Congo…, aux Etats-Unis…, en Chine… de plus en plus et sans que la communauté internationale et ses institutions (les Nations-Unies e.a.) lèvent le petit doigt, paralysées depuis longtemps par une ‘realpolitik’ influencée par des lobbies économiques très puissants. On a aujourd’hui l’impression que, dans la gestion du monde, seule la puissance – la force brutale compte au détriment de l’humain, ce que semble démontrer la multiplication actuelle d’autocrates et de dictateurs qui ne se cachent plus derrière des paravents soi-disant démocratiques. Trump en est l’exemple-phare.
Le péché contre l’Esprit-Saint (le seul qui selon le Christ est impardonnable parce qu’il appelle bien le mal et mal le bien), n’est-ce pas ce qui est en train de se commettre quand les journalistes qui dénoncent au risque de leur vie les crimes commis, les membres des O.N.G. humanitaires souvent aussi pris pour cibles, les femmes et hommes politiques qui osent s’élever pour défendre la dignité et l’intégrité humaine,… sont traités de « terroristes antisémites » et menacés comme tels ? La flotille pour Gaza qui vient juste de quitter Tunis pour apporter de l’aide humanitaire à la population gazaouie affamée mais surtout interpeller l’opinion internationale, cette armada de bateaux qui rassemble 44 nationalités différentes avec des personnalités de tous horizons (comme par ex. l’activiste Greta Tunberg) fait déjà les frais de ce détournement sémantique : les participants catalogués comme « terroristes » seront arrêtés et détenus dans les prisons israéliennes de haute sécurité, a averti le ministre israélien de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, représentant de l’extrême-droite. (Il semblerait que la flotille ait déjà été attaquée par un drone israélien.)
Ce n’est qu’un exemple de la pratique éhontée du mensonge et de l’inversion dans les discours pour créer des « vérités parallèles » destinées à manipuler les opinions et à justifier les actes répréhensibles ou les politiques agressives des gouvernants autocrates. Nous avons de nombreux artistes en la matière (Trump, Poutine, Xi Jinping, Netanyahou, et j’en passe). Le problème c’est qu’au travers des réseaux sociaux et des autres médias, ce genre de pratique (l’usage de l’inversion de la vérité ou péché contre l’Esprit) risque de se généraliser chez tous les détenteurs du pouvoir, en créant ainsi un « nuage », une brume faite de réalité altérée à l’aide de communication mensongère permanente. Le résultat c’est qu’à terme le public ne peut plus distinguer le vrai du faux. Les opinions sont cristallisées dans des systèmes idéologiques dont elles ne peuvent plus s’échapper par manque d’esprit critique. Le but est atteint.
La manifestation monstre de dimanche à Bruxelles me redonne cependant espoir. La conscience n’a pas disparu dans une importante partie de la population belge – de tous bords, origines sociales et religions confondues. Comme le rappelle Pierre Galand, « il y a des moments où les peuples se réveillent et se soulèvent. Cela a été le cas contre la guerre du Vietnam et l’usage du napalm, puis plus tard pour dénoncer l’apartheid en Afrique du Sud et réclamer la libération de Nelson Mandela. Et maintenant, c’est cette famine à Gaza qui est au centre de la révolte. »
Pour ne pas devenir fous (et rester humains), révoltons-nous !
Le Ploumtion
P.S. En complément, après les événements de cette nuit à Gaza, je joins ce lien vers une interview fort intéressante publiée le 15 septembre sur RCF et qui reprend l’historique du conflit et les perspectives… à ne pas manquer ! « Conséquences de la reconnaissance de l’Etat palestinien » par Jean-Paul Chagnolaud (ancien diplomate).

Malheureusement les fous sont déjà FOUS …
Tout à fait d’accord avec ton article. Continuons. Amitié. Jeannine