
C’eût été risible… si ce n’avait été si affligeant et consternant. Hier soir au siège des Nations Unies, le président de la nation la plus puissante du monde a fait un discours à son image, décousu et à l’emporte-pièce, univoque, agressif, ne cherchant en aucun cas à construire un consensus, vantard et menaçant.
Le nombre de contre-vérités et d’approximations contenues dans ce chef-d’œuvre de loufoquerie est ahurissant. Depuis ses attaques contre l’immigration et les énergies renouvelables, accusées par lui de « détruire une grande partie du monde libre », jusqu’à ses accusations contre le Brésil de Lula qui « persécute son ami Jair Bolsonaro », en passant par les reproches acerbes à l’OTAN, à l’Union européenne, et les piques contre ses prédécesseurs Biden et Obama, tout le monde en a pris pour son grade. Trump érige les Etats-Unis et s’érige lui-même en donneur de leçons.
Son réquisitoire n’a cependant étonné personne : quelque part, le monde occidental a déjà sans doute fait son deuil des Etats-Unis comme partenaire et allié ; ceux qui l’écoutent et le suivent ne sont souvent que des affidés, vassaux économiques ou pique-bœufs de la bête politique.
Le résumé de son discours-fleuve est : Nous (je) sommes les meilleurs ; nous (je) sommes les plus forts ; nous (je) sommes les plus admirables. « Aucun pays ne nous arrive à la cheville » (cit). Allez vous rhabiller et inclinez-vous devant nous (moi) !
Parfois quand même un fond de vérité : « Quel est le rôle des Nations unies ? L’ONU se contente principalement d’écrire des lettres très fermes, sans jamais y donner suite. Ce ne sont que des paroles en l’air, et les paroles en l’air ne résolvent pas les guerres. »
Mais quand Donald Trump profère que « l’ONU soutient les personnes qui entrent illégalement aux États-Unis » et que « les Nations Unies financent une offensive contre les pays occidentaux et leurs frontières » (par les immigrés), ces attaques absurdes et sans fondement envers l’institution internationale ne sont-elles pas un exemple de plus de sa haine du multilatéralisme ?
Trump étale également sans hésitation son climatoscepticisme bien établi : pour lui, le changement climatique est « la plus grande escroquerie jamais perpétrée dans le monde ». – (La tête des représentants des pays qui commencent déjà à souffrir considérablement de ce changement !) Le président américain se fait même poète quand il dit : « N’utilisez jamais le mot “charbon” — utilisez uniquement les mots “charbon propre et beau”. » À pleurer !
Notre héros se pose aussi en faiseur de paix – et candidat tout à fait recommandable pour le Prix Nobel du même nom. Selon lui, il a « arrêté sept guerres » (en achetant bien sûr le silence des armes par des contrats juteux ou des menaces, mais jamais en traitant les problèmes de fond). Concernant l’Ukraine, s’il admet son échec, il en reporte évidemment la responsabilité aux autres, en particulier les pays de l’OTAN qui achètent encore les produits énergétiques russes – en fait, il n’y a plus que la Slovénie et la Hongrie qui sont dans ce cas. Mais il continue de ménager son ami Poutine avec lequel, dit-il : « mes relations ont toujours été bonnes ». Concernant Gaza, il continue de suivre indéfectiblement la ligne de son allié israélien Netanyahou – peut-être le dernier allié – tout en appelant vaguement à un cessez-le-feu (auquel pourtant les Etats-Unis ont à nouveau opposé leur véto lors d’une dernière résolution du Conseil de sécurité le 18 septembre dernier). On n’est pas à une contradiction près.
Apparemment, seul le critère économique (à court terme) semble motiver toutes ces leçons présidentielles de l’homme le plus fort et le plus doué du monde : jamais le facteur humain n’est pris en compte. Instrumentalisant la religion chrétienne (et peut-être J-D Vance est-il derrière lui dans cette manipulation) qu’il affirme être « la plus persécutée au monde » et menacée par l’immigration, Trump se pose en défenseur des valeurs traditionnelles et ultra-conservatrices : « les nations fières devraient être autorisées à protéger leurs communautés et à empêcher que leurs sociétés ne soient submergées par des gens qu’elles n’ont jamais vus auparavant, avec des coutumes différentes, des religions différentes, tout est différent. »
Dans ce discours de près d’une heure, Donald Trump a livré sa vision du monde dans sa forme la plus brute. Force est de reconnaître qu’il a été écouté, dans un silence pesant et consterné. Le show auquel il s’est livré montre une fois de plus que le bateau Etats-Unis avec leur président à sa tête s’éloigne de plus en plus de la flotille des nations du monde. Un isolationnisme et une politique extérieure en seul rapport de force et de domination qui va laisser des marques durant des décennies… La fin d’un monde ? Et celle d’un rêve en tout cas…
Le Ploumtion
« Toute société réfère ses jugements et sa conduite à une vision de l’homme et de sa destinée. Hors des lumières de l’Evangile sur Dieu et sur l’homme, les sociétés deviennent aisément totalitaires » (Catéchisme de l’Eglise Catholique, n° 2.257)

Merci Bernard. Bien vu !!! Amitié. Jeannine